Suite à nos articles respectifs sur le plaisir au travail (1) publiés sur ce blog et le site RH Info (2), Patrick Bouvard (4) et moi avons décidé d'unir nos forces pour aller plus loin et oser affirmer que nous prenons un vrai plaisir à travailler ! « Oser » affirmer… et voilà : tout est dit ! Car écrire cela aujourd'hui semble bel et bien « osé » !
C'est tout de même un comble ! A l'heure où nous ne cessons de dénoncer les dérives managériales et les conduites cyniques parfois cultivées par certains salariés, l'épanouissement au travail devrait devenir un gros mot ? Ceux qui sont heureux dans leur job devraient culpabiliser et taire leur plaisir ? Et encore afficher une mine renfrognée pour que surtout personne ne s'aperçoive qu'ils s'accomplissent vraiment dans leur rôle ?
Et bien non ! Nous entrons en résistance contre la morosité ambiante devenue modèle de la pensée unique, comme si les constats négatifs que nous pouvons faire – et certes ils sont nombreux – déresponsabilisaient chacun de nous dans son activité professionnelle. Comme si chacun de nous n'avait plus à sa portée la marge de manœuvre suffisante pour faire rayonner sur son travail, ses collègues, ses collaborateurs – et même sa hiérarchie ! – un esprit positif, constructif, qui permette à tous de collaborer et coopérer avec plaisir !
Vincent Berthelot avait interviewé Laurence Vanhée sur ce sujet, dans un article intitulé : « Du tripalium au plaisir de travailler » (3). Un témoignage édifiant ! Chacun se plait à dire en effet que le mot « travail », en français, vient du latin « tripalium », qui désignait un instrument de torture. Mais on oublie qu'il y a un autre mot latin qui signifie « travail » : c'est « opus », qui a donné operare, opérer, pour designer l'action de travailler. Opus renvoie plutôt à « l'œuvre », c'est à dire au projet, à la finalité. Co-opérer, c'est ainsi travailler ensemble à une même « Œuvre ». C'est tout autre chose de se diriger ensemble vers une même finalité, en ayant besoin des autres pour y arriver… plutôt que d'exécuter les tâches assignées à un poste – si élevé soit-il – en se demandant à quoi ça sert et si l'on est vraiment indispensable, donc en se méfiant des autres ! Du « tripalium » à « l'opus »… c'est tout le sens du travail et du rapport aux autres qui change !
Bien sûr que nos entreprises ont besoin d'être performantes, dans un monde ultra compétitif ! Mais il reste à mesurer à quel point la performance de l'entreprise passe par la performance individuelle et collective de ses salariés. Puis à quel point atteindre la performance collective ne peut s'effectuer durablement qu'en passant par la réussite individuelle de chaque acteur ! Une telle performance se fonde sur la cohérence entre le projet de l'entreprise et sa déclinaison en gestion des rôles de chacun.
Manager, c'est aussi vraiment s'engager par rapport aux hommes et aux femmes de nos équipes, à leurs épanouissements, à leur plaisir et leur fierté dans leurs jobs.
Saint Exupéry disait : « La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir des hommes. » Et si nous mesurions l'impact du plaisir au travail sur la satisfaction de nos clients… la boucle serait bouclée !
Nous sommes tous différents. Nos perceptions de la notion de plaisir au travail le sont toutes autant. C'est pourquoi nous refusons de nous laisser envahir par le non-plaisir de nos collègues, de nos managers, voire de nos clients et fournisseurs. Est-ce un mal français ? Ou une ambiance collective alimentée par des effets de halo ? Si des épidémies de mal être au travail sont dans l'air, il est d'autant plus crucial et urgent de valoriser, cultiver et fidéliser les salariés fiers et heureux dans leur poste.
En ligne de mire de cet objectif majeur, nous plaçons les managers de proximité. Cheville ouvrière de la direction, leur capacité à mobiliser leurs troupes, à innover et à saisir les opportunités du marché dépende certes de leurs compétences techniques et managériales mais aussi et surtout de leur propre plaisir au travail ! Rien n'est plus dévastateur quand l'absence de plaisir au travail transpire chez un hiérarchique. Nos collaborateurs ont besoin de leaders réellement engagés et ambassadeurs. Il serait intéressant d'instaurer un baromètre pour mesurer le plaisir au travail des managers. Des enquêtes sont faites régulièrement pour mieux appréhender la santé sociale de nos organisations. Notre propos se trouve ailleurs, il s'agit de placer le plaisir au travail dans la catégorie des ressources (ou compétences ?) managériales. Au même titre que l'expérience, le leadership ou les connaissances. Ainsi un haut responsable démotivé, en perte de repère et de sens pourrait être plus rapidement identifier et surtout accompagné pour retrouver l'envie et le plaisir nécessaires à sa fonction. Au delà de sa propre satisfaction, sa capacité à donner le cap, à motiver et à stimuler la performance collective sont en jeu.
Entendons bien : un collaborateur heureux dans son job et fier de son travail devrait être géré avec attention ; plus qu'une ressource, c'est un formidable patrimoine qui ne demande qu'à croître. Les « start'up » en sont l'illustration première. Sans moyen mais avec de l'envie, de l'énergie et surtout du plaisir, nombreuses sont celles qui aujourd'hui font rêver ! Donc, à l'heure du talent management, s'il vous plaît, directeurs des ressources humaines, prêchez largement et intensément la bonne parole, les salariés heureux sont le sésame de nos entreprises. Véritables bijoux, nous devons en prendre soin pour mieux nous en inspirer et pour ensemble, accomplir de nouveaux projets !
Il nous est nécessaire à tous de prendre – reprendre – conscience réellement des apports et des impacts de notre travail sur notre vie, même si le travail comme tel n'est pas facile dans le contexte actuel ! Écoutons encore et encore Joseph Conrad : « Je n'aime pas le travail, nul ne l'aime ; mais j'aime ce qui dans le travail est l'occasion de se découvrir soi-même, j'entends notre propre réalité, ce que nous sommes à nos yeux, et non pas en façade. » C'est cela qui guide nos engagements véritables… et parfois aussi nos ruptures ! C'est une prise de risque que nous pouvons assumer et revendiquer !
Nous avons une expérience à partager : nous avons vécu l'un et l'autre depuis plus de quinze ans avec des patrons et des collègues forts différents. Ce que nous en tirons, au final, c'est que loin des grands idéaux tellement élevés qu'ils ne dépendent jamais de nous, c'est peut-être bien chacun, chaque directeur, chaque manager, chaque collègue, chaque collaborateur, à chaque niveau, qui a en son pouvoir une qualité relationnelle et humaine à développer. Sans pour autant tomber dans la fraternité universelle fleur bleue – nous ne sommes pas dupes quant à la nature humaine – il nous est souvent possible, quitte à devoir travailler, de le faire avec plaisir ! Et cela, c'est encourageant. Voilà une vraie évolution des mœurs, à notre portée ! Mais il est certain que cela commence d'abord en nous ! Puis autour de nous !
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Photo : Frogy la mascotte du cabinet Emergences RH
(1) http://www.rhinfo.com/actualites/article/details-articles/cat/26/67/20013/79/le-travail-peut-il-a-nouveau-nous-faire-vivre
(1) http://emergences-rh.com/category/plaisir-au-travail/
(2) http://www.rhinfo.com
(3) http://www.rhinfo.com/actualites/article/details-articles/enm/19030/79/325250/du-tripalium-au-bonheur-de-travailler
(4) Patrick Bouvard
Rédacteur en chef de RH info, il est également consultant accrédité auprès des Institutions Européennes en matière d'argumentation et de rédaction.
Philosophe de formation, il est auteur de 6 ouvrages dédiés au sens de l'homme dans l'entreprise, et poursuit des travaux de recherche sur le nomadisme et l'amitié.
Article bien écrit
Merci pour cet article très intéressant.
Merci à vous !
Merci beaucoup, ravie qu'il vous plaise!
Bonjour Caroline,
Un contexte qui ne m'est pas familier, étant manageur, la plus grande satisfaction dans mon travail n'était pas forcément ma performance en termes de chiffres d'affaires, mais de voir à quel point les salariés étaient motivés rien qu'à l'idée de travailler avec moi. Je pense que le plaisir au travail ne se définit pas exclusivement au plaisir qu'on peut avoir à effectuer une tâche, mais aussi aux relations humaines qu'on entretient, que se soit avec des partenaires sociaux ou mêmes des collaborateurs.
Quand un manager a du plaisir dans son travail, cela se reflète dans le travail de ses collaborateurs. Durant un stage, j'ai vécu cette situation. Ma manager donnait le meilleur d'elle dans son travail, ce qui motiva le reste de l'équipe.
J'ai eu le plaisir de travailler à ses côtés car elle poussait ses collaborateurs à donner le meilleur d'eux mêmes. J'ai mené à bien toutes mes missions, mêmes les plus complexes, parce qu'elle a su me transmettre son plaisir du travail.
Très bel article auquel je ne peux que m'identifier. Responsable d'un service de création dans une maison d'édition, je n'ai toujours su travailler que dans l'enthousiasme et le partage. Souvent absent en interne, "Ca va comme un lundi...", j'ai plus retrouvé le dynamisme dans les équipes de freelance avec lesquelles je travaillais. Mais surtout, ce manque de reconnaissance du plaisir dans l'entreprise, le refus de faire que les employés soient plus heureux dans leur travail a conduit l'entreprise deux fois dans le mur.
Aujourd'hui, j'ai décidé de repartir seul, mais entouré d'une vraie belle équipe motivée, et je crois que le bonheur de partager compétences, enthousiasme et plaisir de se retrouver autour d'un projet nous fera avancer mieux qu'auparavant.
Ce texte résume vraiment les valeurs du travail que j'essaye de partager, bravo!
Merci Caroline et Patrick pour cet article. J'ai beaucoup apprécié le passage sur la place de l'individu dans l'équipe, notamment cette phrase qui résume vraiment bien mon opinion :
"Puis à quel point atteindre la performance collective ne peut s’effectuer durablement qu’en passant par la réussite individuelle de chaque acteur !"
Je trouve que l'on rencontre fréquemment une erreur critique de management, qui est d'ôter à l'individu son mérite pour encenser exclusivement le succès collectif : c'est un comportement toxique à proscrire d'urgence. Il faut au contraire cultiver l'importance de l'individu dans son équipe, ce qu'il y a apporte de particulier et en quoi ce qu'il produit a pu faire avancer les autres.
Ce sont les succès collectifs qui importent pour l'entreprise, mais ce sont les synergies entre les individus qui permettent d'y arriver.
C'est à mon sens capital de l'avoir toujours en tête afin d'inciter ses collaborateurs à se dépasser eux même, pour qu'ils puissent entraîner le reste de l'équipe avec eux.
Merci Lucas ! Vous avez mille fois raison l'intérêt est de privilégier les singularités de chacun pour enrichir la performance collective et non pas "d'homogénéiser" les talents...
Au plaisir d'une prochaine réaction...
Caroline